L’optimisme, ça s’apprend
Des chercheurs en psychologie positive avancent que « voir la vie en rose » est une question d’entraînement. Ils proposent en effet des méthodes testées scientifiquement pour pouvoir enfin chanter le fameux « Bonjour les hirondelles » le matin, sous la douche.
Selon une étude du cabinet Pew Research , réalisée en 2015 parmi une sélection de quarante pays , les français seraient les plus « pessimistes ». Des pays africains comme l’Ethiopie ou encore le Nigéria arrivent à un meilleur classement malgré leur contexte humanitaire et situation économique pourtant défavorable. D’après les constats et surtout selon les tendances des statistiques, il est cependant mieux de faire passer le bonheur avant la réussite. D’après Shawn Anchor, connu pour son ouvrage « Comment devenir un optimiste contagieux » et connu pour ses travaux dans la psychologie positive, l’optimisme est source de créativité, améliore les facultés intellectuelles pour ainsi favoriser la réussite, mais est également lié au maintien d’un bon état de santé général du corps. Le Pr Sonja Lyubomirsky, auteur de « Comment être heureux … et le rester » en parle également ; en précisant que : « Nos gènes déterminent 50% de notre capacité à voir la vie en rose. 10% sont liés aux circonstances de la vie, et 40% dépendent de nous. ».
Cela tombe à pic, lorsqu’on sait qu’en tant que «simple» état d’esprit, l’optimisme peut très bien se cultiver au quotidien. Alors, êtes-vous prêt ?
Face au « problème », s’orienter « solution »
L’auteur du livre « Vivre heureux », le psychiatre Christophe André, avance que le vrai optimiste, face à l’incertain, suppose toujours qu’il existe une issue favorable. En effet, il ne s’agit non seulement d’imaginer un futur positif, ni de voir la vie du bon côté ; mais surtout, de se persuader qu’une solution existe toujours pour nous quelque part; et ce, quelle que soit la dimension apparente de l’impasse. Il s’agit de parier en permanence sur le meilleur. L’erreur serait de chercher une solution globale, voire définitive. En fait, ce sont souvent les briques de solutions temporaires et sur mesure qui marchent le mieux. Nous pouvons par exemple nous baser sur notre expérience, nous inspirer sur des moyens et modèles qui aient déjà réussi dans le passé, ou encore, miser sur une ressource encore non exploitée.
Généraliser le positif
Cécile Neuville, psychologue spécialisée en psychologie positive et auteur du livre « Le secret du bonheur permanent » intervient sur le sujet en avançant que « Pour l’optimiste, chaque évènement heureux, influence positivement tous ses autres vécus. ». Dans ce contexte, il faut oser partager nos succès, nos évènements heureux, au lieu de les garder pour soi, par crainte d’être considéré comme « vantard ». La psychologue met en avant les études ayant montré que l’optimisme soit contagieux , et qu’il se révèle transmissible par simple contact. En effet, « non seulement le plaisir se démultiplie mais plein d’énergie, nous attirons plus facilement à nous, chance et succès ».
Apprendre à reformuler
Plusieurs psychologues s’expriment sur le sujet. En effet, nous pouvons citer :
- Yves-Alexandre Thalmann, auteur de « Devenir optimiste grâce à la psychologie narrative : « La manière de nous exprimer, non seulement notre humeur, mais notre façon d’appréhender la réalité et, par ricochets, nos comportements. »
- Françoise Kourilsky, docteur en psychologie, auteur de « Se réjouir, s’apaiser, réussir » : « Les formulations négatives sont difficilement assimilables pour le cerveau »
- Martin Seligman, ayant fondé la psychologie positive en 1998 : « L’expression négative d’un objectif constitue un obstacle majeur à sa réalisation, car comment satisfaire un non-désir ? » et encore « Un optimiste est d’abord un homme ou une femme qui dispose d’un certain style explicatif », autrement dit, une interprétation positive de l’adversité : “Je n’ai pas eu cette promotion. Cela peut arriver. D’autant qu’il y avait une forte concurrence sur ce poste-là. Mais j’ai encore de la réserve!”
Martin Seligman met au point une thérapie verbale pour reformuler les traditionnels modes d’expression négatifs. En effet, disons “Aie confiance”, “Rappelle-toi”, “Couvre-toi bien”, au lieu de “ N’aie pas peur”, “N’oublie pas de…”, “Ne prend pas froid”; et aussi, “J’ai envie d’avoir une jolie peau!”, au lieu de “J’arrête de fumer!”
Dire merci, le plus souvent
La gratitude est le moyen le plus sûr de cultiver un état d’esprit positif, selon les recherches du psychologue Robert Emmons. Ainsi, les personnes disposées à la reconnaissance dégageraient plus d’énergie, éprouveraient le plus souvent d’émotions positives et seraient moins sujettes à des émotions négatives telles que l’agressivité, l’anxiété, ou encore l’envie. La gratitude, interprétée comme “une impression d’émerveillement, donnant envie de rendre grâce et de goûter à la vie” commence donc par une initiative d’apprendre à savourer la vie, pour ainsi pouvoir remercier de façon régulière les gens qu’on aime, pour tout ce qu’ils nous offrent ou font pour nous. La gratitude permet de plus se focaliser sur les points forts des gens, au lieu de leurs défauts, et de gagner en effet en indulgence, et en bien-être. Une autre astuce serait de créer une sorte de “journal de gratitudes”, dans lequel on pourrait noter les occasions où l’on a pu éprouver de la reconnaissance. Cet exercice change progressivement notre façon de voir les choses, nous basculant en effet d’un état de victime, en un sentiment de personne chanceuse.
Agir, au lieu de subir
Chance ou destin? Les psychologues américains Scheier et Carver différencient les optimistes et les pessimistes dans la mesure où ces premiers soient convaincus de maîtriser le cours des évènements, et s’accordant généralement une part de responsabilité dans ce qui leur arrive, que ce soit négatif ou positif. Les pessimistes, cependant fatalistes se résignent facilement, voyant dans chaque situation, un signe du destin. C’est pour cela que le professeure en neurosciences et psychologue Tali Sharot conclut dans son livre “Tous programmés pour l’optimisme” que “Choisir par soi-même une chose ou une option permet de lui accorder plus de valeur, de renforcer sa confiance en soi dans l’avenir”. Dans la pratique, se poser la question de savoir “si on garde” ou “si on quitte” quelque chose d’acquis comme par exemple un emploi, son/sa conjoint(e) permet de l’apprécier encore plus chaque jour.
Jouer comme un enfant
Les chercheurs en psychologie positive sont unanimes sur le fait que “les joueurs” soient plus performants et optimistes. Le formateur en entreprise et spécialiste en créativité Hubert Jaoui, d’expliquer que la perception de la réalité comme flexible génère plus de plaisir à jouer. Effectivement, prendre l’existence trop au sérieux nous prive d’espérer pouvoir la modifier, amenant l’esprit à se mécaniser et aux émotions à s’assécher. Roger-Pol Droit, philosophe exhorte à retrouver l’esprit d’enfance dans son livre portant le même nom; en expliquant que cette “disposition particulière” enfouie au plus profond de nous-même peut nous aider à mieux supporter le monde dans lequel on vit. Roger-Pol Droit nous conseille de “casser nos routines d’adulte, et de retrouver une forme de fraîcheur, d’étonnement par rapport à ce que nous vivons, comme si c’était la première fois”.
S’estimer chanceux
Aux jeux olympiques de 1992 à Barcelone, une étude a montré que les médaillés de Bronze auraient été plus satisfaits que les médaillés d’argent. En fait, ceux étant arrivés à la deuxième place étaient préoccupés par le fait de ne pas avoir pu atteindre la première, tandis que ceux arrivés à la troisième place se sont juste estimés heureux d’avoir réussi à monter sur le podium . En effet, selon le psychiatre Christophe André, l’une des clés de l’optimisme serait de changer de point de comparaison; par exemple, s’exercer à dire “mon mari est bien plus attentionné au quotidien”, plutôt que de se dire “son mari peut se permettre de lui offrir des vacances de rêves.”
Trouver du sens à ses épreuves
Face aux virevoltes de la vie, la plus grande stratégie des optimistes n’est pas “faire avec …” mais plutôt “faire de …”. En d’autres termes, il s’agit de tirer du positif de leur souffrance, d’en faire une occasion d’apprentissage, au lieu de ressasser ou de sombrer dans le déni. Comme avec l’adage “à quelque chose malheur est bon”, le visionnaire considérera même la vie comme une succession d’énigmes à résoudre pour pouvoir grandir.
- Comment devenir un optimiste contagieux, Shawn Achor, Editions Belfond
- Comment être heureux … et le rester, Sonja Lyubomirsky, Editions Flammarion
- Vivre heureux, Cristophe André, Editions Odila Jacob
- Le secret du bonheur permanent, Cecille Neuville, Editions leduc
- Devenir optimiste grâce à la psychologie narrative, Yves-Alexandre Thalmann, Editions Marabout
- Se réjouir, s’apaiser, réussir, Françoise Kourilsky, InterEditions
- Merci, Robert Emmons, Editions Belfond
- Tous programmés pour l’optimisme, Tali Sharot, Editions Marabout
- L’esprit d’enfance, Roger-Pol Droit, Editions Odile Jacob
- Osez l’optimisme, Catherine Testa, Editions Michel Lafon